La Cour de cassation a rendu, le 11 décembre dernier, une série d’arrêts apportant des précisions sur l’application dispositions relatives à la représentation équilibrée des femmes et des hommes, lors des élections CSE, notamment en cas de listes incomplètes.
Tout d’abord, rappelons que selon le code du travail, les listes de candidats titulaires et suppléants aux élections professionnelles doivent comporter un nombre de femmes et d’hommes correspondant à leur part respective sur la liste électorale et alterner un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes (C. trav. art. L 2314-30).
3 Exemples :
- Dans l’affaire n° 18-19.379, 3 sièges sont à pourvoir, la liste doit nécessairement comporter un homme et une femme. Ainsi, la liste comportant un candidat unique est irrégulière ;
- Dans le cas où 4 postes sont à pourvoir, une liste de 2 candidats doit comporter un candidat de l’un et l’autre sexe. Dès lors, la liste composée seulement de 2 représentants du sexe féminin est irrégulière (n° 19-10.826).
- Dans l’affaire n° 17-26.724, 5 sièges sont à pourvoir dans un collège comportant 175 hommes et 99 femmes, soit 63,87 % d’hommes et 36,13 % de femmes. En l’espèce, une liste incomplète ne présentant que 4 candidats doit, pour être valable, comporter :
- 3 hommes : 4 candidats x 63,87 % d’hommes dans le collège = 2,55 arrondis à 3 ;
- 1 femme : 4 candidats x 36,13 % de femmes dans le collège = 1,44 arrondi à 1.
Et 1 exception : le cas où un sexe est ultra minoritaire.
Dans l’affaire n°18-26.568, la Cour de cassation admet toutefois une exception au principe imposant la présence d’un candidat du sexe sous-représenté sur chaque liste : si les règles de proportionnalité et d’arrondi conduisent à ce qu’un sexe n’ouvre droit à aucun siège (moins de 0,50 candidat), la liste peut ne comporter aucun candidat du sexe ultra minoritaire. Dans la situation d’espèce, les femmes ne représentaient que 11 % des effectifs du collège concerné, soit, pour 2 sièges à pourvoir, un pourcentage inférieur à 0,5 siège. Dès lors, la liste avec une candidature unique du sexe surreprésenté est régulière.
A quel moment une liste peut-elle être contestée ?
Le Code du travail positionne ce contentieux dans une procédure post-électorale, initiée dans les 15 jours suivant l’élection, mais la Cour de cassation vient de confirmer dans l’un de ses arrêts du 11 décembre 2019 (nº 18-26.568) qu’il est possible de porter cette contestation avant les élections.
Le tribunal, s’il statue avant l’élection, peut déclarer la liste irrégulière au regard des règles précitées et le juge peut, dans ce cas, reporter la date de l’élection pour permettre la régularisation de la liste.
Quand la contestation devant le juge est initiée après l’élection, le non-respect par une liste de candidats du nombre de femmes et d’hommes correspondant à leur part respective sur la liste électorale, entraîne l’annulation de l’élection du ou des élus du sexe en surnombre (les derniers élus en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats). Dans cette situation, l’annulation a des conséquences sur la composition du CSE et donc aussi potentiellement sur la majorité syndicale en présence au sein de l’instance.
Quid du calcul de la représentativité ?
La Cour juge traditionnellement que l’annulation d’une élection n’a pas pour effet de remettre en cause, rétroactivement, les actes accomplis par les élus avant cette annulation. Elle considère notamment que l’annulation d’une élection est sans incidence sur la régularité de la désignation d’un délégué syndical, dont le mandat ne prendra fin que lorsque des nouvelles élections auront été organisées à la suite de l’annulation des précédentes (Soc., 11 mai 2016, pourvoi n° 15-60.171, Bull. 2016, V, n° 91). Cette solution est applicable à la situation du délégué syndical qui remplissait les conditions de score électoral personnel pour être désigné. L’annulation de son élection, en raison du non-respect des règles de représentation équilibrée hommes/femmes, ne remet pas en cause son mandat (Soc, 11 décembre 2019, pourvoi n° 18-19.379). En effet, la désignation en qualité de délégué syndical est subordonnée à l’exigence d’un score personnel d’au moins 10 %, mais non à celle d’être élu.
En conclusion, lorsque l’élection d’un ou de plusieurs élus d’une liste est annulée, le nombre d’élus de chaque syndicat au sein du CSE est diminué d’autant. Pour autant selon nous, une telle annulation ne devrait pas avoir de conséquence sur la représentativité de l’organisation syndicale concernée, à l’instar des règles applicables à la désignation du DS.