A partir de quand le salarié est-il couvert par la protection contre le licenciement que lui assure l’exercice de son droit de grève ?
Le droit de grève est le moyen par lequel les travailleurs peuvent s’exprimer et se défendre en créant un rapport de force avec l’employeur entrainé par l’arrêt de l’exécution du travail. La grève se définit comme une cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles.
C’est un droit fondamental et constitutionnellement garanti. Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 déclare le droit de grève comme un principe particulièrement nécessaire à notre temps.
« Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent ». Le législateur encadre rigoureusement ce droit, notamment pour s’assurer de son effectivité.
Les salariés qui exercent leur droit de grève suspendent l’exécution de leur contrat de travail. Ils ne sont plus contraints d’effectuer leur prestation de travail, ce qui entraîne en contrepartie une suspension de leur rémunération.
Cette suspension temporaire de l’activité de certains salariés lorsqu’une grève est déclarée ne peut constituer un motif valable de licenciement. Ainsi, comme le précise l’article L. 2511-1 du code du travail « l’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf en cas de faute lourde imputable au salarié ». A titre de rappel, la faute lourde est caractérisée par l’existence d’une intention de nuire à l’employeur qui la distingue de la faute grave.
Tout licenciement prononcé en raison d’un fait commis à l’occasion de la grève qui ne serait pas une faute lourde est nul de plein droit. Il permet au salarié qui en est victime de demander entre autres sa réintégration.
Une protection des salariés grévistes contre le licenciement a donc été mise en place par le législateur. Mais quelles en sont les limites ? A partir de quand peut-on considérer qu’un salarié est sous le sceau de cette protection ?
La Cour de cassation a récemment affirmé que cette protection contre le licenciement ne se limitait pas aux seuls salariés participant effectivement à un mouvement de grève en cours.
Dans une affaire qui a donné lieu à un tel positionnement, un employeur avait licencié un de ses collaborateurs après que ce dernier, à l’occasion d’un litige entre eux, l’ait informé de l’intention commune avec plusieurs salariés de faire grève. L’employeur avait estimé que la protection contre le licenciement due au salarié exerçant son droit de grève ne s’appliquait pas puisque aucun mouvement de grève n’avait finalement eu lieu.
La Cour de cassation, tout comme la Cour d’appel avant elle, a alors rappelé que la protection contre le licenciement a vocation à s’appliquer pendant une grève mais aussi à l’occasion d’une grève. Autrement dit, même si le salarié n’est pas gréviste et que sa participation à la grève reste hypothétique, son licenciement ayant été prononcé à la suite de la menace de son éventuelle participation, c’est bien à l’occasion de l’exercice du droit de grève que son contrat a été rompu.
De tels faits ne pouvant être caractérisés de faute lourde, le licenciement du salarié doit être annulé.
La Haute juridiction éclaircit ainsi l’ampleur de l’interprétation qui doit être faite de l’article L. 2511-1 du code du travail et de la protection contre le licenciement qu’il introduit.
Cass. Soc., 14 novembre 2024, n°23-17.787