Propos discriminatoires et respect de la vie personnelle sur le lieu de travail, quelles limites ?

04/06/2024

Dans quelles conditions les propos tenus par un salarié peuvent-ils faire l’objet d’une procédure disciplinaire ?

Le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée. Il en résulte qu’un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut pas justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail. L’employeur ne peut pas, pour procéder à un licenciement disciplinaire, se fonder sur le contenu des messages envoyés depuis une messagerie professionnelle et ce malgré leur caractère raciste et xénophobe, dès lors que (Cass. soc. 6-3-2024 no 22-11.016 FS-B) :

  • « les messages litigieux s’inscrivaient dans le cadre d’échanges privés à l’intérieur d’un groupe de personnes, qui n’avaient pas vocation à devenir publics et n’avaient été connus par l’employeur que suite à une erreur d’envoi de l’un des destinataires ;
  •  la lettre de licenciement ne mentionnait pas que les opinions exprimées par la salariée dans ces courriels auraient eu une incidence sur son emploi ou dans ses relations avec les usagers ou les collègues, l’employeur ne versant aucun élément tendant à prouver que les écrits de l’intéressée auraient été connus en dehors du cadre privé et à l’extérieur de la caisse et que son image aurait été atteinte, de sorte que le moyen tiré du principe de neutralité découlant du principe de laïcité applicable aux agents qui participent à une mission de service public est inopérant ;
  •  si le règlement intérieur de la caisse interdisait aux salariés d’utiliser pour leur propre compte et sans autorisation préalable les équipements lui appartenant, y compris dans le domaine de l’informatique, un salarié pouvait toutefois utiliser sa messagerie professionnelle pour envoyer des messages privés dès lors qu’il n’en abusait pas et, qu’en l’espèce, l’envoi de 9 messages privés en l’espace de 11 mois ne peut pas être jugé comme excessif, indépendamment de leur contenu ».

Bien que répréhensibles, les propos discriminatoires ne sont pas toujours opposables, notamment lorsqu’ils émanent d’une conversation privée. En revanche, dans une affaire jugée récemment, des propos racistes tenus par une supérieure hiérarchique à l’occasion d’un repas de noël organisé par le CE de l’entreprise ont permis d’étoffer l’hypothèse d’un harcèlement moral discriminatoire et ce, malgré le contexte spécifique (repas festif, en dehors du temps de travail, conversation entre collègues…). Cet événement avait été dénoncé par la salariée concernée auprès de la direction. Elle avait également produit des échanges de courriels faisant état de la situation.  La salariée a saisi le conseil des prud’hommes pour faire requalifier son CDD en CDI et solliciter la résiliation judiciaire de celui-ci au motif que l’employeur aurait commis un manquement résultant harcèlement moral discriminatoire dont celle-ci aurait été victime de la part de sa supérieure hiérarchique.

En première instance, la Cour d’appel de Versailles n’a pas été dans le sens de la salariée, la Cour a retenu qu’il s’agissait d’un contexte particulier dans la mesure où le repas de noël avait été organisé par le CE (maintenant CSE) et non par l’employeur en dehors de l’entreprise et du temps de travail. Toutefois, portée devant la haute juridiction, l’arrêt d’appel a finalement été cassé. la Cour de cassation donne raison à la plaignante et énonce que « de tels propos relevaient de la vie professionnelle de la salariée et que la salariée présentait des élément laissant supposer une discrimination en raison de ses origines ».

Cass. soc., 15 mai 2024, n°22-16.287

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