Liberté de méthode pour l’expert habilité

27/05/2024

L’expert habilité en cas de risque grave peut procéder à des entretiens sans obtenir l’autorisation de l’employeur (TJ Dunkerque 25 avril 2024, n°24/00055) :

C’est en tout cas la solution retenue par le tribunal judiciaire de Dunkerque dans un jugement rendu le 25 avril dernier. Aux termes de l’article L.2395-94 du code du travail, le CSE peut faire appel à un expert habilité lorsqu’un risque grave est constaté dans l’entreprise. Le risque grave correspond à un risque actuel qui doit être identifié par le comité. Il revient alors à celui-ci de démontrer l’existence du risque grave (Cass. Soc., 18 mai 2022, n°20-23.556).

L’arrêté du 7 août 2020 est venu préciser les modalités d’exercice de l’expert habilité auprès du CSE dans le cadre de l’article L.2395-94. Il en résulte notamment que l’expertise a pour objet d’apporter aux membres du comité des éléments d’information lisibles et objectifs leur permettant de formuler un avis éclairé. La mission de l’expert habilité intègre alors une vision globale de la santé au travail en tenant compte notamment des questions liées à l’organisation et à la finalité du travail, au rôle de l’encadrement et à la politique de prévention des risques professionnels menée par l’employeur.

En l’espèce, le litige opposant l’employeur et le CSE de l’entreprise Staub Fonderie portait ici sur le fait que l’expert habilité souhaitait mettre en place 35 entretiens individuels avec les salariés dans le cadre de son expertise. En désaccord avec l’expert et face au refus de celui-ci de réduire le nombre d’entretiens prévus malgré une contre-proposition de la direction, celle-ci a porté l’affaire devant le tribunal judiciaire de Dunkerque, basant son argumentaire sur une décision rendue par la Cour de cassation qui concernait l’expert-comptable mandaté par le CSE dans le cadre de la consultation sur la politique sociale. La Haute Juridiction concluait alors que l’expert-comptable ne pouvait auditionner les salariés qu’avec l’accord de l’employeur (Cass. Soc., 28 juin 2023, n°22-10.293).

Les juges du fond écartent ici la jurisprudence du 28 juin 2023 applicable à l’expert-comptable en expliquant notamment que par la nature des missions confiées à l’expert habilité risque grave : « Il s’en déduit que contrairement à l’expert-comptable, qui procède essentiellement par voie d’analyse documentaire dans le domaine du chiffre, l’expert habilité est amené à produire lui-même son support de travail, dans le champ notamment de la psychologie du travail, de l’ergonomie et de la sociologie ».

A ce titre, l’expert habilité peut mener des entretiens auprès des salariés sans obtenir l’accord de l’employeur. Les juges appuient également leur argumentaire sur le fait que la réalisation d’entretien est une des méthodes reconnues par l’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) pour déterminer ls actions de prévention des risques psycho-sociaux à mettre en place.

Attention cependant, il convient de replacer le jugement dans son contexte. Il s’applique certes aux parties mais ne constitue pas une obligation générale posée par la Cour de cassation qui n’a jamais eu à se positionner sur le sujet.

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