Jurisprudence relative au « Harcèlement Moral Institutionnel »

20/01/2020

Un jugement du 20 décembre 2019 a clôt leprocès qui s’est tenu devant le tribunal correctionnel de Paris du 6 mai au 11 juillet 2019 durant lequel les parties ont tenté de faire la lumière sur les pratiques managériales en vigueur au sein de l’opérateur historique français. Ce procès portait sur l’examen de plans internes « NExT » et « Act », mis en place au début des années 2000 et visant à transformer la société de télécommunications en trois ans, avec notamment l’objectif de 22 000 départs et 10 000 mobilités. L’entreprise comptait plus de 100 000 salariés pour une centaine de métiers différents.

Le tribunal a examiné en détail les cas de trente-neuf salariés : dix-neuf se sont suicidés, douze ont tenté de le faire, et huit ont subi un épisode de dépression ou un arrêt de travail. Lors du procès, les différents témoignages ont donné une idée précise de ce qui a fait sombrer des salariés dans la dépression. Il a été question « de mutations fonctionnelles ou géographiques forcées », « de baisses de rémunérations » ou encore « d’e-mails répétés incitant au départ ».

« Les moyens choisis pour atteindre l’objectif fixé des 22 000 départs en trois ans étaient interdits », a jugé le tribunal, rappelant qu’il faut « concilier le temps et les exigences de la transformation de l’entreprise avec le rythme de l’adaptation des agents qui assurent le succès de cette transformation ». C’était une réduction des effectifs « à marche forcée » ; le volontariat des départs n’était qu’un « simple affichage », selon le tribunal.

La justice a reconnu qu’un harcèlement moral institutionnel s’était propagé du sommet à l’ensemble de l’entreprise en 2007-2008, une période marquée par plusieurs suicides de salariés. Trois anciens dirigeants de France Télécom – Didier Lombard, président-directeur général entre 2005 et 2010, Louis-Pierre Wenès, ex-numéro 2, et Olivier Barberot, ex-directeur des ressources humaines –, ont été déclarés coupables de « harcèlement moral institutionnel », ainsi que l’entreprise. Les trois prévenus ont été condamnés à un an de prison, dont huit mois avec sursis, et 15 000 euros d’amende, pour avoir mis en place une politique de réduction des effectifs « jusqu’au-boutiste » sur la période 2007-2008. Ils ont, en revanche, été relaxés pour la période 2008-2010. France Télécom, devenu Orange en 2013, a été condamné à 75 000 euros d’amende, soit la peine maximale prévue.

Le tribunal fait ainsi entrer dans la jurisprudence la notion de harcèlement moral « institutionnel », « systémique », c’est-à-dire étant le fruit d’une stratégie d’entreprise « visant à déstabiliser les salariés, à créer un climat anxiogène et ayant eu pour objet et pour effet une dégradation des conditions de travail ».

Un appel à l’encontre de la décision pénale ainsi rendue devrait être relevé par certaines des parties concernées.

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